La nudité de l'esprit.

La nudité de l'esprit.

Une histoire d'Éric Hubert et recréée par Rachel désir.

 

Voltaire a écrit « Cours, vole et me venge », message d’une conscience sourde. Il ne savait pas alors que les chevaliers du ciel allaient naître et exalter le cœur des hommes. J'étais Manfred Von Richofen. Le quarante et unième des cavaliers de l'honneur, lieutenant de cavalerie chez les Ulhans, bataillon de guerriers prussiens et avec les Ulhans, je hurlais par rage et par force devant les russes en ce deux août mille- neuf- cent-quatorze. Je ne savais pas que ma jument Edith allait mordre la poussière, je ne savais pas que ma jument, devant la claire lune et devant les russes sous un sabre allait se coucher. Sa crinière argentée baignait dans le pourpre d’une tranchée au cruel langage d’une humanité révoltée. Voltaire a écrit, cours. Alors je courrais devant le danger, ma jument, Edith, trottait devant l’ennemi, puis allait au galop et elle chargeait devant les cosaques.  A ma jument, je devais lui dire Oh Edith, te souvenais-tu de nos batailles d'avant guerre devant le sanglier ou la biche? Inceste merveilleux, entre l'homme et l'animal, et sur tes muscles cambrés, j'étais le roi de la forêt. Et nous écoutions le bois devenu docile de part notre puissance de vie commune.  Et je déchargeais alors de mon fusil pointu, une balle nauséeuse qui de sa gueule allait pourrir le corps du pauvre animal. Sur ta robe dorée, j’étais ensorcelé. Comme sur les ailes d’un bon dieu nous voguions tous deux au-delà des cieux. Mais ce jour- là mon amie. La jument Edith était morte. Je ne pouvais y croire et ma bouche posée tout contre la sienne, espérait sentir encore son souffle chaud. Mais il n’était ni tiède, ni glacial, elle était feue et moi, mon âme et la gueule en feu, je vociférais : « Voltaire est un salaud ! ». Voltaire à écrit, » Vole. ! Je pris un autre envol sans goût de chair et du haut de ma chaire funeste, je pleurais encore la noblesse de ma duchesse au crin de miel. Mes larmes lavaient son image inerte, nature morte, j’aurais voulu être poète pour la faire renaître dans des mots au cri de sabres éteints. Plus jamais je ne sacrifierai en cette guerre que ma triste tête. Il n'y avait dans l'aviation que des cadavres de fer et des cœurs cendrés. Les bêtes de bois et d'acier crachaient leurs chevaux, elles vomissaient des langues de fumée noire et perdaient de l'huile chaude, comme si elles pleuraient la guerre, des pleurs de pauvres gosses … Elles ne voulaient pas le combat, mais mes guignols de bois, oui, la guerre qui cassaient la gueule à des milliers de poilus, Voyez ces avions cassés en deux. Nous étions aux abois, têtes brûlées et visage de bois, le corps à la sève d’automne qui se repose et dépose le sédiment de soldats courbatus sous le joug de la mitraille. Et je pleurais déjà mes ennemis chevaliers de l'air comme je régurgitais alors les cartouches crachées par mon arme. Des hommes allaient mourir, mais pas moi. Mais je ne le voulais pas ! Trouve mon âme ou ne me trouve pas, Voltaire a écrit me venge. Alors je devais venger mes frères d'armes. Ce vingt- deux avril 1918 au-dessus de moi, les nuages formaient une voûte opaque. Le triplan Fokker D1, peint de rouge était le symbole du cirque, Richofen. Je montais alors, dans l'air froid, le staccatos des armes automatiques criaient sur moi, leurs crachas immondes m’inondaient le visage. Alors Ce bout de bois, monté à six milles mètres, je trouverais le bras de l'honneur, sur le fusil d'un pauvre petit australien. Le rouge pomme de mes joues ont enjoué toute la Prusse et même l'Allemagne.

J'avais vingt- deux ans et j étais le quarante et unième chevalier des 44 cavaliers de l'honneur.



05/10/2012
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