Aiguilles voyageuses.
Quand j’entends sonner la vieille comtoise de grand-maman, je m’agenouille devant son balancier. Prise d’un lancinant vertige, je ferme les yeux et j’ouvre la boutique d’un temps passé. Nonobstant ses vitres poussiéreuses je discerne le chignon de grand-mère dressé en colimaçon, ses cheveux au faux blond de camomille que les nombreuses lunes ont parsemés de blanc. Son sourire c’était ma lucarne où j’apercevais par la magie de son regard les hommes aux champs s’essuyant d’un revers de manche la sueur de leur front. Quand l’angélus retentissait, leur dur labeur terminé, terre de brume ou flammèche des cieux où s’épuraient les larmes du bon dieu, je les voyais, les genoux écorchés par les épis de blés, leur or saisonnier. Il priait afin que la récolte engrangée ne moisisse pas que la pomme de terre reste ferme car capricieux était le mildiou … En ce temps là il fallait mouiller le caleçon et la culotte, la savate engorgée de boue pour quelques petits sous à mettre dans l’escarcelle. La vigne n’étant plus donneuse et les semences dormeuses jusqu'à l’an prochain. Ils prenaient leur belle par la taille pour l’emmener guincher. Malgré la taille et la gabelle à honorer, leur cœur était noble et la valse sacrée, quatre clous, deux ou trois planches vermoulues et un phonographe, canevas d’un bal, leur lopin de rêve où il faisait bon se reposer.
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