L’anthracite de mes jeunes années.
Mes yeux couleur d’espérance deviennent horizon pourpre lorsque le glaive de ma jeunesse transperce à nouveau mes entrailles. La souffrance a parfois un goût parental.
Je la revois la vieille bicoque de mon enfance … Le vieux banc vermoulu où grand-mère me chantait des chansons. Son tablier de coton cachait le travail des années. Recouvert de taches de sauce du petit civet qu’elle avait mitonné la veille, la pauvre vieille … Elle aurait vendu sa chemise pour que nous ne passions pas un seul dimanche sans festoyer. En ce temps là, la richesse se trouvait dans une petite gamelle où tous ensemble nous salivions devant une simple aile de poulet. Elle avait le cul noir la cocotte en fonte de mémé mais nous avions dans les yeux, le bleu du ciel de notre campagne. Malgré l’odeur de fumier resté collé aux sabots, les ancêtres tapaient gaiement du pied, la bourrée égayait leur soirée quand toute la journée ils avaient labouré. Ils en avaient de sacrées paluches et si les lignes de leurs mains étaient grisâtres, ce n’était rien. Juste la couleur de l’amour qu’ils offraient à leurs terres … La bienveillance pleuvait sur les épis de blé et épanouis leur blondeur embaumait mon cœur d’enfant.
Je crois bien que j’ai rêvé … Chez nous, les immortelles ne vivaient jamais, fanées avant d’éclore, assassinées dans nos entrailles rêveuses, dans le songe de vivre ici même ce qui ne pouvait se vivre qu’ailleurs … Dans son vieux pardessus râpé, il en a vu mon vieux ! Le ciel avait la couleur anthracite de notre or noir ! Une poussière grisâtre recouvrait nos meubles et nos âmes. Les larmes translucides de mes yeux poussiéreux caressent l’iris noir de mon enfance et mon encre noire éponge les pleurs d’un gavroche mendiant de bonheur.
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