Le Sherman de 1994 et le quarante et unième chevalier de coeur.
Je te parlerai de ces deux enfants là, morts sous le temps misanthrope, oui mon vieux la vie est une belle salope ! Je te parlerai de ce poète sage qui invente l’amour, de ce sabre de bois qui se croyait roi, de cet être qui jouait au soldat de plomb … Mon âme ouvreuse de cinéma avec ce drôle d’air de bal où éclataient des balles … Non elles n’étaient pas à blanc, ni vêtues de blanc les dames qui pleuraient leurs mômes, sous la mitraille. Elles avaient encore leur jupon pourpre de leur virginité quand sous leur dentelle de mère se mouraient leur fils, comme des mendiants d’amour.
Nous étions dans mon char, sherman. Du nom de mon général mort en nordiste pendant la guerre de session. Mon, arme était la cavalerie, comme mes quatre compagnons de confinement. J'étais un cavalier, le quarante et unième des chevaliers du cœur, puisque le char avait remplacé le cheval. J'en avais quatre cent sous le moteur. Mon béret noir était la couleur de la volonté qui était mienne et noircir la tôle des chars tigres royaux était mon vœu. Ces teutons étaient plus armés que moi et ne déteignaient pas sur la robe brune de mon engin. La guerre éclaire de Monsieur Adolphe mais Hitler n'était plus. En ce trois janvier, mille- neuf cent quarante- cinq, Nos chenilles s'enlisaient aux abords de Malmédy. La neige devait être poudreuse car des traces brunes de boue, marquaient nos passages dans les forêts épaisses. Je puais l'essence en sortir de la carapace de tôle, et mes amis vomissaient leurs tripes au contact des vapeurs qui refoulaient dans la cabine. Á 13 heures, je voyais la façade de mon char tigre. Il était à cent cinquante mètres. Et mon pilote faisait sortir de sa mitrailleuse, 7, 62, des kilos de cuivre vide. Sa main était devenue noire de la poudre vive non brûlée. Mais il tirait et ses membres ne tremblaient pas d'une pucelle de Paris mais de la peur d'être échancré par les balles du voisin. J’avais en face de moi un monstre de soixante- seize tonnes. J’avais peur mais j'étais le quarante- et unième cavalier des chevaliers du cœur. Je regardais dans mon épiscope, je visais et tirais un obus de 76. Lourde charge sur un frère de combat, allemand ou non, il était cavalier aussi. Et entre mes aisselles, je sentais l'ivresse des immondes humeurs qui me montaient jusqu’à l'estomac et qui me réduisaient à vomir sur mon honneur de lieutenant de cavalerie. La peur du combat, la peur de ne pas rentrer chez moi. La peur de ne pas revoir l’Arizona, mon pays. Je priais alors et tirais encore sur le buffle nazi. Le tigre royal ne bronchait pas. Cinq chars de mes amis d'armes ont déchargé leurs canons sur l'ennemi, fier! Il était ! Il devait exploser et brûler devant mes yeux qui pleuraient. Le souffle de leurs vies était parti, et je n'en étais pas fier. Ce que voyais être l'officier en était sorti, par la tourelle brûlante. La torche était humaine et flambait. Cet homme, ce cavalier de l'ombre, prenait son Walter et en me saluant, non du signe nazi mais de celui de l'armée régulière, se terminait pour ne pas souffrir plus. Pendant les sept mois du restant de la guerre, j'avais épargné de nombreux hommes en noir. Les chevaliers du char invincible. Si nous avions ce tank en mille- neuf quarante quatre, nous serions rentrés depuis longtemps chez nous. Après la guerre, j'avais continué à me battre en Corée du sud, contre les communistes. Pour la mémoire de mes amis tankistes, du bout de l'espoir, les chevaliers de l'ombre et du cœur.
( Cette histoire est vraie et contée par un de mes amis américains, dans son mauvais français. J’étais le quarante et unième des cavaliers du cœur et le troisième à vivre. )
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